Plus tu cours vite, plus t'as l'impression d'être lent.

Je courais. Toujours, encore. Dans ce paysage si semblable de toutes parts qu'était celui de la forêt de l'arène.
La seule forêt de l'arène ? Va savoir. Quelle était l'étendue de l'arène ? Va savoir. Sortirai-je vivant d'ici ? Certainement pas.

Les hovercrafts qui m'avaient alerté un peu plus loin avaient disparu, mais je retenais à peu près l'endroit où je les avait vus.
Le temps que j'avais passé à courir dans la forêt me paraissait des jours. Je m'arrêtais régulièrement pour reprendre mon souffle, boire un peu, essayer d'entendre Rean et Angy ou un autre tribut. J'avais toujours mon épieu sous le bras, mon arc bandé, une flèche dessus, au cas où; mon carquois jeté négligemment sur mon épaule.

Je commençais à me dire que j'avais bien fait de partir. Me tourner les pouces là-bas ne m'intéressait aucunement. Autant utiliser mes points forts à autre chose qu'à monter un fichu camp. Une seule personne y suffisait; s'il en fallait deux, tant pis. Ils se débrouilleraient sans moi.

Je continuais de courir. J'essayais d'entendre. Mais rien. A part le vent, les arbres qui se déracinent, ma propre voix criant dans le vent;

-Angy ? Rean ? criai-je très fréquemment.

Sans jamais une seule réponse. Je me demandais à maintes reprises ce qu'il advenait d'eux. Je n'avais entendu que deux coups de canons, et les carrières ne seraient pas morts si vite. Tiens ? Je me prenais à considérer Rean comme un carrière. Reste à voir s'il méritait ce titre.

Je plissais les yeux, cherchant du regard si je voyais une preuve que quelqu'un était passé par là, ou même s'il y avait un cadavre, ou de la nourriture. Rien. Rien que les arbres, les branches qui volaient en tout sens, que j'arrivais à éviter. Une branche me frappa vaguement, ne me faisant aucune blessure.

-Rean ?! Angy !

J'appelais, je hurlais, sans jamais entendre de réponse. Ils ne pouvaient pas être morts. Même avec la tempête, j'aurai pu entendre les coups de canon. Enfin, je crois... Je trébuchais sur un tronc à terre. Je me relevais. Je continuais ma course. Heu...Un tronc à terre !? Le vent était donc si fort ? Une vague de panique m'envahit. Les arbres étaient assez lourds pour clouer au sol et blesser, mais pas assez pour tuer. Si Angy ou Rean était là dessous ? Je me mettais à courir, encore plus vite. Je n'arrêtais pas, je ne voulais pas m'arrêter, me raisonner, me calmer. A quoi ça servait ? La peur et la haine me boostaient, et, évitant chaque arbre et courant au maximum qu'il m'était possible de courir, j'appelais constamment Angy et Rean, ne voulant pas croire que c'était foutu.

Ce n'était pas foutu, je le savais. Si je ne les trouvais pas, ils me trouveraient. Eux ou d'autres. Et si ce n'étaient pas eux, je les égorgeraient tous, jusqu'au dernier. Je n'aurai aucune pitié, même si je mourrais, ils mourraient avec moi. Je suis un carrière, pas une fillette. Je ne mourrais pas tué par derrière, je me battrai de front, gravant mon visage dans les yeux de mes victimes. Pourquoi cette haine ? Parce que je l'avais, depuis le début. Haine refoulée, mais haine très présente. Même si ces gens étaient innocents, quelqu'un devait payer. Je ne pouvais rien faire au Capitole, alors je m'attaquerai aux autres tributs. Et j'étais parfaitement conscient que c'était ça que voulaient le Capitole. Je me contrefichais qu'ils aient manigancé tout ça pour l'instant, je voulais juste retrouver Angy et Rean, sains et saufs.