Dans la prairie empoisonnée, je ne vois que toi de comestible. Pourtant je ne te mange pas...[Silence]

Encore un après-midi passé au centre d'entraînement où il n'y avait absolument rien à foutre, en fait. Pourquoi y étais-je venue, me direz-vous ? Parce que je cherchais quelqu'un. Une personne bien précise, répondant au prénom qui m'inspirait tant confiance: Silence. Ce garçon avait beau être très étrange, je le voulais absolument comme allié.

J'ai dit étrange, et vous attendez sûrement que je développe. Alors je vais développer. Le jour de la Moisson, ce mec auquel j'ai serré la main n'aurait pas dû se trouver là. C'était un mec bien. Un mec qui ne m'avait pas fait de mal comme les autres. Un mec à qui on faisait du mal aussi. Un peu comme moi, même si je ne savais rien de lui à part ça.

Pourquoi s'était-il retrouvé sur l'estrade, à me serrer la main, son regard planté dans le mien, plein d'espoir ? Pourquoi cet espoir avait l'air de ne pas être lié à sa survie ? Pourquoi ce garçon, qui n'avait pas été choisi, qui ne devait pas être ici avec nous, avait décidé de venir se suicider ? Car n'était ce pas un suicide de se porter volontaire pour venir ici ? Moi qui l'avais fait, je peux vous dire que c'en est un.

Tant de questions me trottaient dans la tête. J'espérais tant qu'il allait venir. Qu'il soit mon allié, qu'il reste avec moi. Il était la seule chose me raccrochant à mon district, et en le regardant, j'éprouvais une pointe de désir. Il était différent des autres, peut-être parce qu'on avait vécu la même chose, lui et moi.

Je savais qu'il viendrait. J'avais glissé un mot anonyme sous sa porte. Alors j'attendrai bien sagement ici. Je lui tirerai les vers du nez, jusqu'à ce que je sache tout ce que je veux. Et je me tirerai les vers du nez, à moi aussi, pour savoir ce que je veux exactement...

Jetant un oeil aux alentours, je me dis que finalement j'aurai dû me poster directement devant sa porte, à notre étage. En effet, là-bas on n'aurait été que deux. Il n'y aurait pas ces vingt tributs qui pourraient nous entendre parler de choses sérieuses comme les alliances. Parce que si un carrière est au courant de ce qu'on prévoit, on est mort. Et ça dès le coup de gong.

Je me surpris à me demander si la mort était quelque chose de bien. Si on se reposait. Si les autres morts pouvaient nous faire du mal. Et s'il valait mieux que je vive ou que je meure. Peut-être qu'une fois morte, je n'aurai plus à me faire craindre. Peut-être que la plaie dans mon coeur se refermerait doucement. Je n'en sais rien, en fait. J'aimerai qu'elle se referme sans pour autant que je doive mourir.

Un bruit de porte interrompit mes pensées. Je fus tentée de me retourner pour le regarder s'avancer jusqu'à moi. Mais pour tout vous dire, je n'osai pas. Et si ce n'était pas lui, j'aurai pas l'air vraiment fine. Alors j'attendis. Espérant de tout mon coeur que c'était lui qui avait poussé la porte. Que je pourrai compter sur lui. Dans l'arène. Pour m'accompagner dans la mort.

Je viens de m'apercevoir que je deviens de plus en plus émotive, moi. Où est passée la fille cruelle et m'en-foutiste que j'étais ? J'espère qu'elle reviendra vite. Je n'ai pas envie de perdre mon masque de dureté dans l'arène, là où, de toute ma vie, j'en aurai le plus besoin.